Les chats menacés :
« De 1941 à 1944, la ville de Saint-Pétersbourg, devenue Leningrad, connait ses heures les plus sombres. 872 jours durant, l’ensemble de la population s’éteint à petit feu, emporté par la famine. Dans chaque maison, les rats pullulent et dévorent sans ménagement les rares vivres qui subsistent. Le royaume des chats de l’Ermitage est lui aussi décimé, dévoré par les humains, en proie à une faim insatiable. Seul survivant, je dois me cacher pour ne pas finir dépecé. A la fin du siège, les rats étant devenus une réelle menace pour la survie de la ville, 5000 frères venus des quatre coins de la Sibérie sont envoyés en croisade contre cette peste de quadrupèdes. Une unité d’élite est alors recrutée pour poursuivre la mission qui m’avait été initialement donnée : protéger les caves de l’Ermitage.
L’unité d’élite vieillissante et nos moyens techniques devenus obsolètes, le musée procède dans les années 1960 à un vaste plan de licenciement pour se séparer de ses chats-défenseurs. Très vite, les produits chimiques vantés pour leur faible rapport qualité/griffe se révèlent moins effectifs et l’Ermitage supplie à coup de caresses et de jouets que nous reprenions du service. Depuis, personne n’ose remettre en cause notre légitimité au sein de l’Ermitage et pas un rat ne brave nos canines aiguisées. »
Mais au royaume des chats, il n’y a pas d’heure pour la sieste. Avec une moyenne de vingt heures de sommeil quotidiennes, dormir reste la principale activité.
Aujourd’hui, une centaine de félins partagent mon quotidien. Les plus vieux d’entre eux squattent les caves depuis une dizaine d’années, tout en ignorant que cela fait trois siècles que je vois défiler les générations de museaux.
(Raconté par le chat Vassili, en collaboration avec Jeanne Richard)