PREFACE DE "PAR CAT CHEMINS"
par Brigitte Bulard-Cordeau
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L’errance est une possibilité voire une forte probabilité dans une vie de chat. Il suffit d’une porte ouverte, la voie est toute tracée. La liberté a bon goût, le chat ignore encore le danger. Il aimait le steak tartare, la langouste, le sushi, et même le champagne. Mais Attila a pris la clé des champs.
C’est une histoire vraie. Il va tomber dans la coke -comprenez les sacs de charbon-, change de couleur et sera baptisé Black.
On frissonne à l’idée de cette croisée de chemins qu’il va devoir emprunter. Objectif survie. Intelligence, intuition, sixième sens, résistance, il n’y va pas par quatre chemins. Le chat contrairement à l’homme ne se laisse pas emporter par le regret, la nostalgie, c’est dans l’instant que se joue la vraie vie, il réagit au quart de tour. Rien de tel pour se sortir de l’ornière que la philosophie féline, même si cela ressemble à un chemin de croix.
Christine Lacroix sait la valeur du diplôme des chats : débrouillardise, subtilité. Dans la peau du chat perdu, elle fait place à l’humour, cela déteint sur son style et colle pile poil avec le chat. La pluie qui forme des flaques, c’est « l‘eau de vie » qu’il lape goulûment. Grâce aux « Secours Dispensés aux Félins », le chat SDF qui « mange à tous les râteliers », se nourrit de pain perdu mais pas pour tout le monde. Attila est drôle et volontiers ironique « La maladie d’Alzheimer a empiré », se dit-il, si on oublie son repas, du temps où il avait un maître. Revivra-t-il la belle époque ?
Dans l’errance, Attila a « perdu le mode d’emploi de la machine à ronronner ». Il combat la peur, volontaire, courageux. Il marche sur les rails, ose regarder dans les yeux le Yéti, la « bête hurlante » qui apparaît sur la couverture, vous avez reconnu la patte subtile et féline de Bernard Vercruyce. C’est le chemin de fer. « Avec ses barres de fer qui scarifient le paysage, teintées d’aluminium, même couleur que ses jouets-boules », ceux qu’Attila possédait jadis, il s’impose comme une source de découvertes fascinantes. C’est un chemin comme un autre pour accéder à une prochaine vie de chat, puisque dit-on, il en a sept.
C’est aussi le chemin d’une libération explosive pour l’auteure qui assemble couleurs et métaux, transforme la technique, fonctionnalités et matériaux, en une prose étonnante, précise et poétique, tout comme elle le fait pour la nature, musique de nuit, reflets du soleil, la faune qui fascine le félin.
Elle y voit comme un chat, voit le monde autrement, décrit l’invisible, cela donne une plume riche et vive, lancée à un train d’enfer pour conter le périple d’un chat entre la vie, la mort, une autre vie de chat.
Brigitte Bulard-Cordeau