Je dresse les pavillons de mes deux oreilles. Bien que j’habite au mitan de la voie à sens unique, à deux cents mètres du bout de la rue, j’ai entendu le bruit caractéristique du pot d’échappement légèrement fissuré. Le véhicule vient de tourner au coin, il va arriver par la gauche. Normal : ils arrivent tous de la gauche, sauf ceux qui ont pris le sens interdit. En moyenne, trois voitures par semaine s’engagent à contresens. Quant aux vélos, aux cabots et aux mobylettes, je ne les compte plus.
Dans cinq secondes, la voiture de mes humains essaiera de s’arrêter au plus près de ma résidence principale. Elle va sûrement se garer en face, car les trois places devant ma maison sont prises. Avant, avec l’angle de vue que j’avais de mon appui de fenêtre du premier étage, je ne voyais que le trottoir d’en face et la moitié de la chaussée, mais depuis que Pat m’a installé une estrade de trente centimètres de haut, ma vision englobe jusqu’à mon propre caniveau. C’est incroyable ce qu’une simple boîte d’emballage de friteuse électrique, déposée sur un rebord, peut faire voir la vie de haut. Ainsi juché sur mon socle de carton, je patiente.