Si vous cherchez de la lecture féline pour vous détendre, vous pouvez vous plonger dans une aventure exotique et voyager en Guadeloupe aux côtés de Toussaint, le chat de l’île papillon.
Ce roman est disponible en ebook ici :
https://www.lulu.com/fr/shop/christine-lacroix/toussaint-le-chat-de-l%C3%AEle-papillon/ebook/product-8p9k7w.html?q=toussaint%2C+le+chat+de+l%27%C3%AEle+papillon&page=1&pageSize=
En voici un extrait :
Neuf heures trente, le premier gros bateau blanc déverse son flot de shorts fleuris aux jambes écarlates mouchetées de points rouges (les moustiques adorent les mollets blancs). La tranquillité de mon île va être compromise jusqu’à 16 heures, jusqu’à ce que la vague reflue vers le grand large. La majorité des touristes ne font escale qu’une journée aux Saintes. Arrivés le matin, ils sillonnent l’île d’ouest en est, du mont du Chameau au fort Napoléon, à scooter, à pied, à vélo ou en minibus. Notre île est écolo, la voiture en est proscrite et, par conséquent, la mortalité infantile est beaucoup moins importante que sur l’île papillon, l'autre nom de la Guadeloupe, qui se trouve en face. Ici, l’espérance de vie d’un chaton passe de deux mois à sept ans.
Au premier son des nu-pieds sur l’asphalte, je me réfugie dans mon repaire préféré : une case abandonnée, au plancher de bois défoncé et dont le toit retient sa rouille au-dessus de ma tête. Un vieux couvre-lit m’offre ses plis ouatés et ses fleurs inodores. Mais par une aurore pas faite comme les autres, où j’ai pour mon malheur changé mes habitudes à la suite d’une méchante averse tropicale, je me retrouve blotti sur le velours grenat de la banquette arrière d’un minibus resté ouvert aux alizés. Et voilà comment, malgré moi, je joue les touristes en goguette et que je visite pour la première fois le fort Napoléon. Je n’y avais jamais mis les pattes, la montée m’avait découragé. Chaque jour, quelques visiteurs se font les mollets dans l’ascension par la face bitumée, mais ils sont peu nombreux, la plupart d’entre eux prennent le minibus, celui-là même où je me remets d’une nuit de débauche.
Le fort Napoléon, où le bien nommé n’a jamais mis les pieds, et qui servit de pénitencier, nous offre une vue sur l’Îlet à Cabrit, la passe de la Baleine, Terre-de-Bas et jusqu’au continent. La plus belle baie du monde, avant celle de Rio (nous aussi nous possédons notre pain de sucre à l’ouest de l’île) enchante les objectifs, surtout quand le quatre-mâts de cette mer lointaine fait tache blanche dans le tableau. Il revient régulièrement mouiller au milieu de la toile. Peut-être que Perle sacrée d’Ispahan l’observe aussi avec nostalgie. Ses maîtres ne sont jamais revenus la chercher. Elle en a perdu ses sous-poils, qui lui servaient de duvet dans son ancienne vie parisienne, dans sa capitale boréale. Ici, ils n’ont aucune utilité, au contraire, au début, elle souffrait de la chaleur. Vous avez déjà essayé de vous promener en fourrure polaire sur une plage des tropiques ?
Je fais le tour du propriétaire par la crête du mur d’enceinte, moi, la vue, je m’en moque comme de ma première tétée. Un zandoli couleur pierraille est agrippé à une pierre séculaire, ses doigts écartés faisant ventouse sur la pierre brûlante, il réchauffe ses écailles aux rayons du soleil. Il ne daigne pas détaler sur mon passage. En fait, c’est un lézard vert des plus communs qui a changé la couleur de sa livrée pour se fondre dans le décor. Il attend qu’un insecte passe à sa portée pour lui tirer la langue. Il se contente de pivoter la tête à mon approche. Il ne gonfle même pas la poche sous sa gorge pour m’intimider, je ne dois pas être assez menaçant.